Fanny, adhérente de l’association actuellement en stage de journalisme au Népal, a déjà été publiée à plusieurs reprises sur différents médias locaux. Ici découvrez un de ces articles traduit en français sur la journée des droits des femmes.
On oublie trop souvent que ce jour célèbre les droits des femmes et leurs combats pour gagner et maintenir ce qui leur revient de droit. C’est une journée pour commémorer les épreuves, les batailles, les défaites et les victoires, les vies perdues et les vies libérées. Mais au-delà de cela, c’est une journée pour reconnaître que le chemin vers l’égalité des droits, vers la liberté, vers la paix est loin d’être parcourru. Ce n’est donc pas une célébration d’exploits comme ce jour est souvent décrit. Non, c’est une journée où l’on entend les cris, où l’on voit les poings levés, le sang, les corps de celles qui sont venues avant nous et qui ont ouvert la voie. C’est une journée pour se remémorer notre histoire et observer les dommages constants du patriarcat. C’est une journée pour honorer la mémoire et les sacrifices de nos sœurs tombées pour que nous puissions fêter librement ses prétendus « exploits ».
Comme une femme népalaise interviewée l’a dit : « La situation a complètement changé [par rapport à ce qu’elle était avant]. Aujourd’hui je peux travailler, et en tant que femme indépendante, je suis heureuse de pouvoir profiter de cette journée. Je pense qu’il faudrait célébrer nos avancées tous les jours. Mais il y a encore beaucoup à dire et beaucoup à faire. » Quand je lui ai demandé ce qu’elle aimerait changer, elle m’a répondu : « On doit avoir une égalité des salaires, parmi tant d’autres choses. Surtout, j’ai hâte d’en voir le bout, parce qu’on ne devrait pas avoir à lutter pour nos droits. » Et en effet, j’espère que dans le futur, ce jour ne sera qu’un de souvenirs et de commémoration.
Mais ce jour n’est pas encore arrivé. C’est pourquoi le thème de cette année, d’après UN Women, est « l’égalité des genres aujourd’hui pour un futur durable ». Une fois de plus je l’ai questionnée, cette fois sur le lien entre le climat et l’égalité des genres, ce à quoi elle m’a confié :« L’égalité est responsable de la viabilité du climat, oui. Vous savez, ça commence chez nous. Et comme le Népal est un pays agricole, si on offre aux femmes l’éducation, le savoir et les moyens de travailler et d’améliorer leurs méthodes, alors oui, cela contribue à sauver notre environnement. » En effet, depuis quelques années, les études ont montré que la lutte contre le dérèglement climatique ne serait pas une réussite sans la lutte pour l’égalité. La question qui se pose est de savoir si l’on peut établir un équilibre en prenant soin de notre monde, mais pas de ses habitant.e.s ?
Nous ne pouvons pas, sous le prétexte d’avancer pas à pas, considérer nos problèmes comme individuels à traiter séparément. Ainsi, quand on se bat pour l’égalité des genres, et quand on célèbre cette journée internationale des droits des femmes, on fait aussi un pas en avant vers un environnement viable pour tout le monde.
Au Népal, la pauvreté est un facteur important puisqu’il met en lumière et augmente les inégalités de genres. Effectivement, face à la misère, les femmes sont une fois de plus au bout de la chaîne. C’est un fait mondialement reconnu que dans les pays les plus pauvres, les opportunités pour les femmes d’être éduquées ne sont pas égales à celles des hommes, qui sont déjà basses et le Népal ne fait pas exception. C’est souvent que les jeunes filles doivent prendre des cours de cuisine et de ménage, tandis que leurs homologues masculins en sont exemptés. Cela va plus loin que les doubles standards. C’est un cercle vicieux, connu sous le nom de patriarcat, qui garde les femmes sous un plafond de verre infini pour chaque travail, chaque opportunité, chaque milieu, chaque action. En raison du manque d’éducation et d’opportunités pour les femmes, le mariage de mineures est encore bien trop commun au Népal, puisque certain.e.s le voit comme l’unique solution pour que les jeunes filles aient une vie.
Et quelle vie…Pendant que nous célébrons, le nombre de viols au Népal continue d’augmenter (comme le confirme Nepal Police en 2021), et les droits et libertés des femmes continuent de décliner. Chaque viol est une vie fracassée, et bien d’autres ébranlées. Tant qu’un violeur s’en tire librement, l’égalité ne peut être achevée. Mais plus que cela, tant qu’un viol est considéré comme une occurrence normale, les femmes ne pourront pas être en sécurité, ne pourront pas être vues, ne pourront pas être entendues. Comme l’hymne féministe Un violador en tu camino (Un violeur sur ton chemin) le condamne : « Impunité pour l’agresseur, c’est la disparition, c’est le viol ».
Le viol est un problème systémique, amené (entre autres) par le manque d’éducation sexuelle et de cours sur le consentement et le respect. Si les femmes ne sont pas estimées, si les hommes sont élevés pour être dominants, si les filles pensent qu’elles sont impures (au Népal, les menstruations sont encore considérées comme impures) et si les garçons ont appris que dans tous les cas, la masculinité prévaut, alors le monde est loin d’être sain et sauf. Alors oui, l’égalité des genres nous demande de réfléchir et d’agir sur la pauvreté, l’éducation, la sécurité…et le traitement que nous réservons à notre maison et aux gens qui l’habitent pour garantir « un futur durable ». Le 8 Mars est un jour férié pour les femmes au Népal, une légère compensation pour leurs épreuves pendant le reste de l’année. Mais si nous, femmes du monde, sommes seulement autorisées à être vues en ce jour, faisons en sorte qu’il soit le plus bruyant, le plus fier, le plus long de tous les jours parce que nous méritons d’exister sans contraintes.
Fanny Jonckeau
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